Cette fois c’est décidé: je me sépare des canards. L’aventure a débuté il y a trois ans, dans l’enthousiasme de nos expériences permacoles et avec tout le plaisir d’accueillir de nouveaux animaux au jardin. Il y a d’abord eu Pataplouf,  né dans la couveuse, qui a fait ses premiers pas sur le carrelage de la cuisine et ses premières crottes aussi. Puis sont arrivés des coureurs indiens, précédés par leur réputation de mangeurs de limaces. Et enfin Barbara, une cane de Barbarie couleur pie au regard plein de questions. On a rajouté des abris et creusé un point d’eau, on a sermonné les poules et les paons, on a expliqué au lapin. Tout le monde vit maintenant en bonne entente mais n’empêche, comme déjà relaté dans un précédent billet, il faut bien admettre que c’est un fiasco.

Primo,  les canards raffolent des limaces, c’est vrai, mais il s’avère moins fatigant de les leur apporter au poulailler que de rabattre des palmipèdes entre les buttes des potagers. Secundo, ils n’aiment pas que les limaces. Ils ont aussi un faible pour les brassicacées et les feuilles de salade, ce qui restreint passablement le créneau saisonnier où on peut les lâcher sans risque de s’énerver. Tertio les poules ne comprennent pas bien qu’elles ne peuvent pas aller où les canards peuvent. Alors, à moins de se muer en garde-barrière, mieux vaut éviter les privilèges au sein de la basse-cour. Et enfin dernière raison et non des moindres: les canards ont besoin de beaucoup d’eau qu’ils salissent aussitôt, et comme il ne pleut plus, on n’en peut plus de changer l’eau du bassin tous les deux jours avec l’eau potable du réseau et 80 mètres de tuyaux. La permaculture plaide pour le bon-sens et encourage la rétroaction. Pour le bien-être de chacun et l’harmonie au jardin, l’épisode des canards doit donc toucher à sa fin.

Mais que vont-ils devenir? Pas question de les passer à la casserole bien sûr! Car d’une part notre fils Antoine a déclaré devant des milliers de téléspectateurs de PAJU qu’on ne transformerait jamais Pataplouf en magret. Et bien sûr aussi parce que les canards, c’est à tel point attachant que j’en deviendrais presque végétarienne. Ce vendredi, le gros Pataplouf et ses congénères prendront donc le chemin d’une ferme du Jorat, où une perle rare, dénichée par l’entremise de permaculture.ch, les accueille à bras ouverts. Là-bas, ils auront un bel étang et de l’eau à profusion, des poules à apprivoiser et des oies avec qui cancaner. Alors bon vent les canards! Là bas aussi, je suis sûre qu’on vous aimera.

Texte(s): Aino Adriaens
Photo(s): Antoine Lavorel