En français, on pourrait traduire par «attrape et dépose» ou «tire et laisse tomber», mais il faut bien admettre que la langue anglaise a le chic de proposer des formules courtes et efficaces qui veulent tout dire. Chop & dropdonc, c’est l’expression d’un geste que j’effectue dorénavant tous les jours au jardin: arracher une herbe indésirable entre les fleurs ou les légumes puis la reposer à la même place, plutôt que l’évacuer vers le compost. Ce procédé typiquement permacole peut surprendre, mais si on y réfléchit bien, il tient du bon sens:  comme dans la nature, la plante morte va se décomposer directement au potager, servir de couverture végétale si précieuse en période estivale et apporter des nutriments au sol et donc aux légumes.

Du coup, je vois d’un oeil beaucoup plus conciliant liserons, aegopodes ou amaranthes, qui se transforment en mulch avant d’avoir eu le temps de grainer. Même technique avec les chiendents, dont les rhizomes se dessèchent rapidement à la surface en été. Si les plantes particulièrement indésirables ont déjà des graines, elles finissent soit dans la haie, soit dans un tonneau où elles iront fermenter… Le chop & dropm’ a aussi permis de faire une observation très intéressante: les lapsanes flétries sont une gourmandise pour les limaces! Pendant la nuit, elles affluent par dizaines sur les fanes de cette adventice prolifique, tout en snobbant les choux et les salades qui sont juste à côté. Le matin, il ne me reste plus qu’à jeter le piège aux canards qui font disparaître plantes et gastéropodes en quelques coups de bec.

Le compostage en place ne concerne pas que les adventices. Il est plébiscité par les permaculteurs car il consomme moins de calories et préserve plus de nutriments qu’un compost en andain ou silo. Il demande aussi moins de travail car il n’y a pas besoin de retourner, aérer ou humidifier les végétaux déposés. Il m’arrive donc régulièrement de vider le seau des déchets de la cuisine au pied des tomates ou des choux. Et si selon l’endroit, l’esthétique des pelures et épluchures ne me plaît pas, je les cache un peu sous le mulch déjà en place et le tour est joué. Le compostage est discret, rapide et sans souci. Autre habitude à prendre: couper les légumes au collet plutôt que les arracher de terre en les récoltant. Les racines qui restent dans le sol contribuent à son aération et le fertilisent en se décomposant. Je sème ou plante ensuite juste à côté et ça marche très bien!

Au début, ces procédés déroutent un peu, mais on finit par en acquérir le réflexe et je me demande souvent pourquoi on n’a pas fait ça plus tôt! En tous cas, la permaculture nous a ouvert les yeux sur des évidences et poussé à réfléchir sur le bien fondé de tous nos actes. Mais trêve de prise de tête. Pour l’heure, on s’apprête à mettre le jardin en veilleuse pour s’offrir quelques vacances. Rendez-vous à la fin du mois d’août pour un billet qui aura forcément la pêche!

Texte(s): Aino Adriaens
Photo(s): Antoine Lavorel, Aino Adriaens